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Voyage au Kosovo février 2015 by Blerim

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Mon voyage au Kosovo, février 2015

Ca fait déjà trois semaines que nous sommes revenus .. Le temps passe vite … Le déferlement de tâches à accomplir après un retour de vacances fait que je n’ai pas réussi à trouver le temps d’écrire ce texte avant … Ceci-dit, ce n’est pas plus mal … C’était la première fois que je faisais découvrir mon pays de naissance à des gens qui y sont totalement étrangers … C’était même la première fois que je faisais découvrir un lieu quelconque à un groupe d’individus … D’une certaine manière, pour moi aussi, c’était alors une découverte d’un pays qui, pourtant, m’a vu naitre, grandir et, par la suite, évoluer …

Il me fallait alors du temps pour encaisser et murir les quatre jours et demi de visites, de découvertes et d’émotions …

Kosovo

Genève – 17 février

A l’aéroport de Genève déjà, dans la salle d’attente réservée aux voyageurs pour Prishtina, je me retrouvais être à la fois acteur, spectateur et scénariste … Acteur d’une visite guidée que je vivais en même temps que Christine, Chello, Bernard et Pasquale, spectateur de la surprise que témoignaient les autres voyageurs originaires du Kosovo lorsqu’ils voyaient des touristes Suisses dans la même salle d’attente qu’eux et scénariste d’un voyage que je préparais depuis un mois et demi … Sans que je m’y attende, cette triple casquette m’offrait alors le privilège d’un point de vue nouveau … Un point de vue qui, somme toute, n’était que le résultat de la double culture que j’ai eu la chance d’acquérir après 27 ans de vie entre la Suisse et le Kosovo.

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Départ alors de Genève, à 12h55, et atterrissage à Prishtina à 15h20 … Une fois arrivés, tous ensemble, nous nous rendions au contrôle des pièces d’identité avant de récupérer nos bagages déposés en soute. Ces étapes franchies, nous allions ensuite à l’une des différentes agences de voiture de location présentes à l’aéroport pour prendre la voiture réservée quelques jours auparavant depuis la Suisse.

Prishtina – 17 et 18 février

 

De l’aéroport, en passant alors par la ville de Fushë Kosovë, nous arrivions à Prishtina, où nous avions réservé nos chambres pour la première nuit au Kosovo … Notre hôtel se situait à 100 mètres de la place principale « Nënë Tereza » (Mère Teresa) … Nous étions donc idéalement placés pour visiter ensuite à pied le centre-ville et découvrir ses habitants … Ce que nous nous sommes empressés de faire le soir-même, après une petite heure de pause, lorsque nous sommes sortis pour boire un verre et manger … De l’hôtel au restaurant, passage donc par la place « Mère Teresa » et rencontre de la population sortie célébrer le jour anniversaire de l’indépendance du Kosovo. Sept ans que le pays avait déclaré son indépendance pour enfin tenter de prendre son destin en main …

Cette première demi-journée, particulière, avait alors laissé des impressions étonnantes à mes collègues de voyage et à moi-même … De l’Aéroport à Prishtina et plus tard durant la soirée, j’entendais, à plusieurs reprises, de la part de mes compagnons de voyage, que le pays et la population sont très différents de ce qu’ils pensaient découvrir … Pensant trouver un pays sinistré et dangereux, ils y ont vu un lieu tout autre … Impressions donc bizarres où se confrontaient les a priori et appréhensions avec la réalité du terrain …

Le lendemain, après un petit-déjeuner à l’hôtel et quelques échanges d’impressions, nous prenions la voiture et nous rendions au mémorial « Ibrahim Rugova », à « Velania », quartier situé pas très loin du centre et légèrement en hauteur de la ville. Là, j’en ai alors profité pour expliquer l’histoire de cet homme, premier président du Kosovo, qui le 7 septembre 1990 déjà, avec différents autres intellectuels albanais, représentants de nombreuses mouvances politiques et philosophiques, avait proclamé l’indépendance de la région. Figure historique de la résistance pacifique menée par les Albanais du Kosovo entre 1989 et 1997, Ibrahim Rugova, en 1998, a été décoré du Prix Sakharov, par le Parlement européen … De là, nous poursuivions alors notre chemin, par un parcours en voiture à travers la ville, pour avoir un aperçu plus large de Prishtina… Plus tard, arrêt à la Cathédrale Mère Teresa, située en plein centre, à proximité des différentes facultés et de la bibliothèque nationale du Kosovo. Là, sans que ce ne soit prévu, nous avons eu la chance d’assister à une exposition de peintures et photos sur l’histoire albanaise … Occasion alors de s’arrêter un peu sur l’histoire parfois mouvementée des Albanais entre le XIXème et le XXIème siècle.

Une fois sortis de la Cathédrale « Mère Teresa », le soleil nous ayant fait l’honneur de sa présence, nous avons poursuivi notre visite de la ville en parcourant quelques stands et boutiques à proximité … Au même moment, sur la rue principale menant au gouvernement, une manifestation … Selon les propos de certains passants à qui je demandais informations, il s’agissait d’étudiants de l’Université … Midi approchant et sentant venir notre envie de nous arrêter, à l’image d’un poisson dans l’eau, Pasquale nous trouve un bar … Apéro, discussions et petite pause bien méritée dans un lieu très sympa et fréquenté principalement par des étudiants et jeunes trentenaires … Notons d’ailleurs que la population du Kosovo est composée d’environ 60 % de personnes ayant moins de 30 ans … Un pays très jeune donc avec un fort potentiel de développement …

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Mitrovica – 18 février

N’ayant malheureusement pas le temps de nous attarder plus longtemps à Prishtina, même si l’envie y était, en début d’après-midi, nous reprenions la voiture et nous dirigions en direction de Mitrovica, deuxième étape de notre parcours à travers le Kosovo. Principalement connue en Europe comme la ville symbole de la division albano-serbe, Mitrovica est également une ancienne citée industrielle dont les richesses minières sont l’un des principaux motifs de la rivalité albano-serbe dans la région … Plomb, zinc, argent et or sont différentes matières premières dont le potentiel économique est estimé à plusieurs milliards d’euros …

Arrivés en plein centre, nous nous sommes arrêtés à proximité de la grande mosquée de la ville. De là, nous avons parcouru à pied quelques-unes des rues principales du centre avant de nous rendre à « Ura e Ibrit » (Pont de Ibër) qui sépare les parties nord et sud de la ville … Bloqué en 2011 par la population serbe qui y avait renversé plusieurs troncs d’arbres, le pont n’a été à nouveau ouvert à la circulation qu’en juin 2014 … Cela n’a toutefois duré que quelques heures avant qu’un « parc de la paix » y soit à nouveau construit, par la population serbe, à l’aide de plusieurs tonnes de terres et de fleurs … Pont toujours bloqué et sous surveillance passive, des deux côtés du pont, d’une voiture de police composée à chaque fois d’un policier serbe et d’un policier albanais … Une sorte de représentation « équitable » des deux populations afin de faire plaisir à tout le monde … Conclusion, quatre ans de jeux de dupes entre les institutions internationales, celles de Serbie et celles du Kosovo …

Avec un peu de peine, j’essayais d’imaginer la même scène sur le Pont du Mont-Blanc, à Genève … J’imaginais déjà le pont ouvert à la circulation en une demi-journée à peine et les responsables de la barricade sous les verrous … Au Kosovo, ce n’est toutefois pas possible … Il ne faut pas donner l’impression de maltraiter les minorités … Et ce, même si c’est au dépens de la loi devant laquelle nous sommes censés être tous égaux …

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A côté de ces policiers Albanais et Serbes, nous avons aussi pu rencontrer deux « Carabinieri », représentants de la KFOR (la Kosovo Force), force armée multinationale déployée par l’OTAN, sur mandat du Conseil de sécurité de l’ONU, à partir du 12 juin 1999. Ayant deux membres de notre groupes qui parlent couramment l’italien, nous avons alors saisi l’occasion pour échanger quelques mots avec eux et leur poser quelques questions sur leurs fonctions à Mitrovica … Passant la majeur partie de leur temps à faire principalement acte de présence, afin de faire plaisir à toutes les coalitions impliquées dans la « stabilisation » du Kosovo, nous avons alors eu la possibilité de discuter avec eux pendant de longues minutes … Deux hommes d’ailleurs très sympas qui n’ont pas hésité à nous répondre de manière très sincère sur la situation réelle du pays ….

Pejë – 18 et 19 février

De là, départ en milieu d’après-midi pour la ville de Pejë, à l’extrême ouest du Kosovo, à la frontière avec le Monténégro. Allant pour la première fois à Pejë depuis Mitrovica, je savais qu’il y avait trois chemins possible, et je souhaitais alors parcourir celui qui passe par la ville de Skenderaj, commune à laquelle est rattachée le village de Prekaz. Connu pour avoir été le village dans lequel vivait la célèbre famille Jashari, ce village est le symbole de la résistance, cette fois-ci armée, que la population albanaise a menée contre la police et l’armée serbe … Adem Jashari et sa famille sont connus pour être les symboles de l’armée de libération du Kosovo qui, plus qu’une armée à proprement parler et hiérarchisée, était surtout une séparation de plusieurs groupes armés et répartis dans les différentes régions du Kosovo … Le but de cette visite était alors de présenter les deux facettes du combat albanais pour la liberté … Le combat pacifique et le combat armé … Malheureusement, passant pour la première fois par ce chemin, j’oubliais à un moment de prendre un virage et nous avons alors poursuivi notre chemin pour la ville de Pejë en passant par une commune à majorité serbe dont le nom est « Zubin Potok ». Ce n’est qu’arrivés à proximité de la ville d’Istog, à 25 km de Pejë, que je me suis rendu compte de mon erreur … Un constat étonnant au demeurant puisqu’à aucun moment l’un de nous s’est rendu compte que nous passions par une région à majorité serbe … Que ce soit dans les villages à majorité albanais ou ceux à majorité serbes, aucune différence dans le mode de vie parfois très modeste des habitants … Un constat qui a alors permis à tout le monde de se rendre compte que, au Kosovo, les discriminations ne sont pas forcément ethniques, mais plutôt économiques …

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De la ville d’Istog, qui dans la langue albanaise se dit « Burim », ou « Source » en français, nous nous dirigions alors pour la ville de Pejë où nous avions réservé l’hôtel pour la deuxième nuit. Là, nous profitions pour visiter la ville, même s’il faisait un peu froid, et manger ensuite un plat de pâtes qui, selon Pasquale, ancien cuisinier de longue date, n’en a jamais mangé d’aussi bonnes … Et encore moins pour un prix de 2 euros …

Allant rapidement nous coucher aux alentours de 23h, nous nous retrouvions le lendemain matin pour le déjeuner. Déjeuner qui a d’ailleurs duré près d’une heure et demie en raison des nombreuses discussions que nous avons eues sur les premières impressions de la veille… Entre Prishtina, Mitrovica, Zubin Potok, Istog et Pejë, nous pouvions voir que les modes de vie dans le pays peuvent être très différents pour la population …

Gorges de Rugova – 19 février

Sans trop nous attarder dans la ville de Pejë, qui pourtant regorge de plusieurs lieux à découvrir, nous nous sommes rendus en direction des Gorges de Rugova puisque nous ne disposions que de cinq jours pour découvrir au mieux le pays. Faisant partie du parc national « Bjeshkët e nemuna » (Les montagnes maudites), les montagnes des gorges de Rugova cachent de splendides natures rocheuses très appréciées par la population locales qui aime aller s’y balader. Après environ 25 km de routes de montagnes et étant arrivés tout près de la frontière avec le Monténégro, nous nous arrêtions alors dans un village répondant au nom de « Bogë » où se trouve une petite station de ski. Mes quatre complices ne cachaient alors pas leur surprise de voir cela au Kosovo … Pour ces Chablaisiens et Genevois qui apprécient le ski dans les Alpes suisse, c’était un enchantement … Qui plus est, au café où nous nous sommes arrêtés, personne ne s’attendait à y trouver un serveur parlant parfaitement le français … Après de longues discussions avec lui, il se trouve qu’il avait habité de longues années à Yverdon, dans le canton de Vaud, avant de retourner s’installer au Kosovo … Départ définitif qu’il a effectué de Suisse en 2002 afin de construire sa vie et s’épanouir dans son pays d’origine. Ce fut alors une belle surprise humaine pour nous … Nous découvrions là le parcours de vie atypique d’un jeune homme pour lequel la réussite ne se calcule pas uniquement à l’argent accumulé dans un compte en banque, mais également au bonheur et à la sérénité trouvés dans sa vie de tous les jours.

Gjakovë – 19 février

Ces bonnes surprises passées, retour alors à Pejë, pour se diriger au sud du pays, en direction de Prizren. A mi-chemin, nous nous sommes arrêtés à Gjakovë. Etant l’une des sept grandes villes du Kosovo, c’était l’occasion de découvrir un lieu riche en culture et en histoire. D’ailleurs, il se trouve que Pasquale y a un voisin et très bon ami de Suisse qui en est originaire … Son plaisir ne fut donc que plus grand de découvrir le lieu d’origine de cet ami qui était tout content de savoir que Pasquale se rendait au Kosovo … Là, nous visitions la partie de la ville qui est communément appelée « Çarshia e vjetër » (Le vieux marché) pour y découvrir la vieille ville. Nous baladant d’une ruelle à une autre, à l’intérieur d’une petite boutique de chaussures, me voilà à ne plus avoir besoin de traduire … Nous venions à nouveau de rencontrer un habitant parlant couramment une autre langue que l’albanais … Pour le coup, c’était l’italien … La jeune vendeuse de la boutique qui, durant la guerre du Kosovo, avait fui à Vlorë, en Albanie, avait appris l’italien en quelques mois en côtoyant les touristes des bateaux provenant de Brindisi, en Italie. Après quelques bottes achetées et des discussions en albanais, en français et en italien, nous repartions en visite pour trouver un restaurant où se reposer et manger. Comme en vacances, nos horaires de repas n’étaient pas des plus rigoureux … Nous voilà alors à nous faire servir de succulents plats locaux, à environ 14h30, et dans un décor typique de la vieille ville.

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Prizren – 19 et 20 février

Ayant repris des forces, nous reprenions la route pour Pizren où nous devions dormir lors de la troisième nuit. Déjà deux jours et demi de voyage et une bonne partie du Kosovo que nous avions parcouru. Bernard ne parvenait que difficilement à cacher son impatience et sa joie de retrouver cette ville. Effectivement, en novembre 2011, lors du premier camion d’aides en matériels divers que nous avions envoyé, au Kosovo, dans le cadre des Associations « Istok » et « KosovAction », Bernard et moi y avions passé une nuit. Une nuit qui faisait suite à quatre jours de voyage en camion entre la Suisse, l’Italie et l’Albanie. Cette soirée nous avait laissé de très bons souvenirs à tous les deux et je lui avais promis de faire en sorte d’y retourner un jour avec lui pour qu’il découvre mieux les lieux. Ce jour était enfin là ! Sans trop perdre de temps, nous nous sommes alors rendus à l’hôtel, pour parquer la voiture et déposer nos bagages, et nous voilà repartis, à travers les rues de Prizren, dans un voyage en direction du passé. A l’image de « Doc » et « Marty McFly » du film « Retour vers le futur », nous faisions notre voyage dans le temps. Notre « DeLorean » à nous n’était pas aussi fringante que celle du film, mais qu’à cela ne tienne, nos souvenirs à nous étaient tout aussi passionnants et les péripéties vécues toutes aussi dignes des intrigues réalisées par Robert Zemeckis.

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Revenons toutefois dans le réel, à la place « Shadërvan » plus précisément. Grande place de la vielle-ville, celle-ci abrite le cœur de Prizren. En plus d’y trouver le fameux restaurant « Besimi Beska » où, comme il y a trois ans, nous y avons mangé comme des rois, cette partie de la ville est représentative de l’épithète de « ville-musée » qui colle à Prizren. La richesse de son patrimoine culturel, historique et religieux y est peinte à merveille. La mosquée Sinan Pasha, l’église orthodoxe « Shën Gjergji » (Saint-George) et la cathédrale catholique de Notre-Dame de Bon-Secours (katedralja katolike e Zojës Ndihmëtare) sont toutes trois bâties sur un espace de 300 mètres. La forteresse de Prizren est quant à elle à 500 mètres à pied depuis la mosquée Sinan Pasha. D’autre part, sur l’ensemble de la ville, il y a en tout 24 sites archéologiques identifiés, 39 édifice de culte chrétien, 46 lieux de sacres islamiques et 74 bâtiments d’architecture folklorique. Ajoutons à cela que c’est à Prizren, à la fin du XIXème siècle, qu’est née la Ligue du même nom qui a donné toute son importance à l’éveil identitaire albanais. Aujourd’hui, nous pouvons y découvrir un musée retraçant cette histoire riche et palpitante.

Le lendemain de notre arrivée, au matin du 20 février, durant notre ballade à travers les ruelles de la vieille ville, ne passant bien évidemment pas inaperçus à force de converser en français et traduire parfois en albanais, à un moment, nous nous sommes fait accoster par un homme. Habillé en costume cravate et accompagné de deux ou trois personnes dans la même tenue, cet individu se trouvait être le directeur de l’office du tourisme de la ville de Prizren. Sa curiosité et sa fonction l’amènent à poliment nous demander d’où nous venons et dans quel contexte nous sommes arrivés là. Au départ, il pensait que Christine, Chello, Bernard et Pasquale étaient ce que j’appelle « des internationaux » (salariés étrangers travaillant pour les institutions internationales basées au Kosovo) et que j’étais employé comme traducteur … Je lui ai rapidement dit que non, nous n’étions que de simples touristes domiciliés en Suisse et qu’étant originaire du pays, j’ai souhaité le leur faire découvrir puisqu’ils ont contribué à aider la population du Kosovo par l’intermédiaire de l’association « Istok ». Agréablement surpris, il me demandais alors de traduire au groupe sa question qui était de savoir quels étaient leurs a priori sur le Kosovo avant d’y aller et quelle était alors leur vison après les quelques jours de visite.

Le directeur de l’office du tourisme nous disait regretter la propagande négative qui est souvent faite sur le pays et que, voulant œuvrer à la déconstruire, leurs avis étaient importants pour lui. Bien évidemment, je demandais alors à Christine, Chello, Bernard et Pasquale de répondre aussi franchement que possible puisque, dans tous les cas, je traduirais leurs réponses de la manière la plus fidèle qu’il me soit donné de le faire. Tous les quatre reconnaissaient alors avoir eu des a priori sur le Kosovo avant d’y aller. A priori bien évidemment basés sur ce qu’ils ont vu ou lu dans les médias, puisque c’était la première fois qu’ils découvraient le pays en dehors de Bernard qui y avait fait un rapide passage en novembre 2011. Ils avouaient aussi qu’après ce voyage de quelques jours, ils pouvaient enfin se dire que leur a priori n’étaient pas toujours fondés. Notamment sur le fait que le Kosovo puisse être un pays sinistré ou dangereux à visiter … A l’inverse, leurs a priori sur la pauvreté n’était quant à lui pas infondé, mais bien réel … Avec beaucoup de modestie et de sympathie, le directeur de l’Office du tourisme nous remerciait alors pour ces réponses et nous disait que, en tant qu’enfant de Prizren et pas seulement dans le cadre de sa fonction, il attachait beaucoup d’importance à améliorer la vision que les gens peuvent avoir du Kosovo. Suite à cette rencontre inattendue, nous continuâmes alors notre chemin avant de repartir pour la destination suivante.

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Prishtina – 20 février

Ce jour-là, contrairement aux précédents, nous avions un agenda ponctué de quelques rendez-vous. Effectivement, voulant dévoiler des aspects du pays les plus larges possibles et ne pas m’arrêter à celui du tourisme, j’avais organisé une visite d’un centre pour personnes âgées à Prishtina. Un lieu où, en mai 2013, à nouveau avec la collaboration d’Istok et de KosovAction, avaient été envoyés dix lits d’hôpitaux ainsi que du matériel médical divers. Voulant tout de même tenter de rattraper l’erreur de parcours commise entre Mitrovica et Pejë et nous rendre à Prekaz, je souhaitais placer coûte que coûte cette étape à notre itinéraire … Malheureusement, je devais à nouveau m’avouer vaincu par le temps … et probablement aussi par la crainte d’arriver en retard à nos rendez-vous à Prishtina … Surtout lorsqu’on connait les problèmes de circulations et d’embouteillages pouvant exister là-bas un vendredi après-midi … Je me console toutefois en me disant que, dans les différentes villes par lesquelles nous sommes passées, à chaque fois qu’un monument en mémoire des atrocités commises durant la guerre des années 1990 avait été bâti, j’en profitais pour me faire le porte-parole de cette histoire, parfois lourde et difficile, que les Albanais ont vécue … Si tant est que cela puisse être possible, je tentais tout de même de le faire avec le plus d’objectivité et sans parler de « bons » et de « méchants », mais simplement en relatant des faits et des événements … Ceci étant dit, un peu avant 15 heures, et après une heure d’embouteillages et de circulation catastrophique à travers Prishtina (pour le coup, ce n’était pas qu’une appréhension), nous sommes finalement arrivés au point de rencontre que nous avions fixé. Nous devions y rencontrer Elbasan Morina, jeune Albanais ayant réalisé ses études en Angleterre et en Allemagne avant de retourner au Kosovo pour s’y installer et y fonder une ONG. Ce dernier est la personne de contact qui, en 2013, nous avait conseillé le centre pour personnes âgées de Prishtina comme bénéficiaire pour notre matériel. A l’occasion de notre voyage au Kosovo, je l’avais alors recontacté pour qu’il m’aide à organiser la visite en prenant contact avec la directrice du centre. Devant nous accompagné, mais ayant eu un empêchement de dernière minute lié à ses fonctions, Elbasan nous envoya alors deux taxis pour que nous puissions laisser notre voiture en ville et nous rendre ensuite au centre sans avoir à se tracasser de la circulation. Aussitôt dit, aussitôt fait, nos deux taxis contactés par Elbasan venaient nous chercher et nous nous dirigions alors au centre pour personnes âgées.

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Une fois arrivés au lieu de destination, nous rencontrions la directrice avec qui, pendant près d’une demie heure, nous avons échangé sur son travail, le lieu qu’elle dirige, les personnes dont ses employés et elles s’occupent et les difficultés qu’ils peuvent rencontrer au quotidien. Des difficultés nombreuses liées tout autant à la structure très ancienne et presque unique au Kosovo, qu’aux moyens financiers mis à leur disposition. Après cela, nous sommes alors allés visiter le bâtiment dans lequel les personnes âgées sont accueillies. Pour tout le monde, ce fût un moment très émouvant de par les rencontres que nous y avons faites. Notamment celle d’une dame très âgée, seule, sans famille, raison pour laquelle la plupart des résidents sont accueillis, mais avec une joie de vivre et un humour sans pareil. Une vraie leçon de vie !

Après cette visite, nous allions alors rencontrer Elbasan Morina, qui nous avait donné rendez-vous au centre-ville. Le but de cette rencontre, en dehors de la raison toute évidente qui était de le remercier pour son aide, était que Christine, Chello, Bernard et Pasaquale puissent discuter avec lui. De manière peu habituelle, Elbasan a choisi de quitter l’Europe, alors même qu’il y a effectué des études supérieures qui lui garantiraient de confortables revenus, pour vivre au Kosovo. Il n’est largement pas le seul, c’est vrai. Il est d’ailleurs le premier à le mettre en évidence lorsqu’on lui dit qu’il a du mérite, mais effectivement, les personnes à avoir choisi le même chemin que lui ne sont pas nombreuses. Pour cette raison, mais aussi pour ses connaissances approfondies du pays, de son économie et de sa politique, je souhaitais alors, qu’après trois jours et demi de découverte du Kosovo, mes compagnons de voyage puissent lui poser des questions. D’une part, pour avoir des réponses et points de vue différents des miens, mais aussi pour répondre aux questions que je ne savais parfois pas répondre. D’ailleurs, un autre intérêt de cette rencontre est qu’elle se faisait de manière non-officielle autour d’un café. Une manière alors de discuter de façon beaucoup plus libre et ouverte. Cela a duré à peu près une heure … Au final, une rencontre très intéressante durant laquelle nous avons tous beaucoup appris.

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 Dardanë (Kamenicë) – 20 et 21 février

Ayant fini cette rencontre aux environs de 19 heure, nous sommes alors restés manger à Prishtina. Ayant toutefois prévu d’aller à Dardanë (Kamenica, en serbe), dans ma ville de naissance, pour rencontrer ma famille et passer la nuit à l’hôtel que j’y avais réservé, nous avons repris la route aux environs de 20h30 … Un peu plus d’une heure plus tard, nous y sommes arrivés. Mon père, qui y était aussi allé quelques jours auparavant depuis la Suisse, nous accueillit alors à la maison. Avec lui, se trouvaient mes deux oncles. L’un âgé de 76 ans et l’autre de 68 ans. Deux oncles qui, par leurs âges, sont donc en quelque sorte des garants des traditions et d’un mode de vie « à l’ancienne ». L’un d’eux porte d’ailleurs quotidiennement le « plis », chapeau traditionnel albanais. Avec eux, se trouvaient aussi deux de mes cousins, les fils de ces deux oncles. Durant alors près d’une heure, discussions et échanges entre ma famille et mes compagnons de voyages. Un moment très agréable et hors du commun entre mes deux mondes qui se croisaient pour la première fois. Celui du Kosovo et celui de la Suisse. Quelques souvenirs et fous rires vécus lors de cette soirée resterons d’ailleurs très longtemps gravés dans ma mémoire …

Le lendemain matin, réveil à l’hôtel. Situé à l’entrée de la ville, au sommet d’une colline, une magnifique vue nous était offerte sur Dardanë et les environs. Chello et Pasquale, s’étant réveillés bien avant nous, n’ont d’ailleurs pas hésité à s’accorder une heure de marche pour parcourir les environs et faire connaissance avec quelques locaux. Ayant appris à mieux les connaitre durant ce voyage, le couple Chello et Pasquale ne peut que susciter mon admiration. Tous les deux ont une grande expérience des voyages à travers différents pays du globe et, même sans parler ou comprendre l’albanais, en communiquant tantôt en français, tantôt en italien, espagnol ou allemand, ils arrivaient toujours à se faire comprendre des gens du pays. Une leçon de débrouillardise comme j’en ai rarement vue.

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Après avoir déjeuné tous ensemble et goûté à quelques spécialités locales, je m’excusais alors auprès de Christine, Chello, Pasquale et Bernard car je devais m’absenter environ trois quart d’heure en raison d’une visite familiale que je devais effectuer. De retour et accompagné de mon père qui avait été gentiment invité la veille par Christine et Chello, nous nous rendions alors à « Korminjanë i Ulët », village situé à 10 km de l’hôtel et rattaché à la commune de Dardanë. Nous devions y retrouver le mari d’une de mes tantes, qui, avec l’un de ses frères, y dirige une entreprise fabriquant des briques et grâce à laquelle il emploie environ 92 personnes. Entreprise publique fondée en 1929, celle-ci, à l’instar de nombreuses autres après la guerre en 1999, a été privatisée sous la coordination de la Mission Intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK). Malheureusement, nombre de ces privatisations ont été effectuées sans réelle stratégie de création ou de maintien d’emploi … Pour preuve, la plupart des entreprises vendues se sont ensuite rapidement transformées en cafés ou restaurants … « Brickos » SH.P.K (SH.P.K = société à responsabilités limitées) est l’une des rares fabrique étant devenue privée et ayant poursuivi ses activités dans le même domaine. Elle est même l’une des rares à avoir augmenté sa production en comparaison à ce qui se faisait avant la guerre. A ce titre et voulant montrer qu’il y a tout de même de la production qui existe au Kosovo, je souhaitais alors y effectuer une visite. Le mari de ma tante s’est fait un plaisir de nous présenter son entreprise. Pour lui, c’était une manière de défendre l’image du pays et de montrer que, malgré les difficultés économiques et politiques vécues par la population, l’envie de se battre et de s’en sortir est toujours présente. Christine étant enseignante dans un centre professionnel, Bernard étant lui Vice-Président d’un syndicat et Pasquale connaissant parfaitement le monde ouvrier, n’ont pas hésité à poser de nombreuses questions pour mieux comprendre ce que fait l’entreprise et quelles sont ses forces ou ses difficultés. Une heure de discussions qui ont permis à tout le monde de mieux comprendre le fonctionnement économique de l’entreprise en particulier et du Kosovo en général. Par la suite, voulant nous présenter son entreprise de manière plus concrète, s’ensuivit alors une visite guidée d’environ une demi-heure. Ce fût un moment captivant pour tout le monde puisque ça nous a permis de découvrir, sur le terrain, le fonctionnement réel d’une grande entreprise au Kosovo.

Retour en Suisse – 21 février

Après cette visite de l’entreprise « Brickos » SH.P.K. qui se finissait en début d’après-midi, nous sommes alors repartis en direction de l’Aéroport de Prishtina. Sur la route, un peu avant d’arriver à la ville de Gjilan, nous nous sommes arrêtés pour manger et discuter sur les impressions ressorties de cette visite et des impressions finales après ces quatre jours et demi de voyage aux quatre coins du Kosovo. Comme à chaque fois, ce fût des discussions très intéressantes qui, à moi-même, me permettaient de porter un regard différent de celui que j’ai l’habitude d’avoir sur le Kosovo. Le mélange de nos points de vue nous faisait tous sortir de nos certitudes et nous ouvrait à d’autres visions plus nuancées.

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Quelques heures plus tard, nous arrivions à l’Aéroport. Nous déposions la voiture de location, enregistrions nos bagages et traversions le contrôle de sécurité. Derrière nous, nous laissions alors 4 jours et demi de voyage, de découvertes, de nouveaux regards et de rencontres … Nous gardions toutefois l’impression d’avoir vécu une expérience que peu de personnes prennent la peine de vivre. Celle d’aller à la rencontre des autres !

Merci donc à Christine, Chello, Bernard et Pasquale pour la confiance qu’ils m’ont témoignée à travers ce voyage et merci pour ce qu’ils m’ont aussi fait découvrir de mon propre pays.

Blerim Osmani, 18 mars 2015